Lorsque vous mangez de la viande, la quantité de protéines absorbée par  votre organisme dépend de la manière dont vous mastiquez, c’est ce que des chercheurs français de l’Institut National de la Recherche Agronomique ont publié dans l’American Society for Nutrition.

Le vieillissement est associé à une diminution de la masse musculaire, qui entraîne une diminution de la résistance physique mais aussi une vulnérabilité croissante des personnes âgées qui s’affaiblissent avec le temps. Les fibres musculaires sont en permanences renouvelées par le corps, cette dégénérescence est régie par le renouvellement des protéines dégradées grâce à la synthèse de nouvelles protéines : c’est un déséquilibre dans ce processus qui cause la perte de masse musculaire. Les acides aminés constituent la matière première dont l’organisme se sert pour synthétiser les protéines, une diminution de la quantité d’acides aminés disponible entraîne une baisse de synthèse des protéines. Ce phénomène pourrait expliquer l’érosion lente des muscles durant la vieillesse.

Les chercheurs français se sont donc demandés si l’efficacité de la mastication pouvait être l’une des causes de la diminution de leucines, l’acide aminé le plus courant. Ils ont réparti 20 volontaires âgés de 65 à 70 ans dans deux groupes : ceux portant une prothèse dentaire (groupe APD, n=10), et ceux qui n’en portent pas (groupe SPD, n=10). Les membres du groupe APD étaient édentés depuis plus de 5 ans, possédaient des prothèses de bonne qualité depuis plus de 6 mois et se sentaient à l’aise avec. Les membres du groupe SDP possédaient au moins 8 paires de molaires (et prémolaires). L’efficacité de la mastication a pu être évaluée par des critères tels que : la force de la mâchoire, la durée de mastication et la taille des morceaux après un nombre donné de mastications sur un matériau cassant, il a été confirmé que les personnes ne portant pas de prothèse mâchaient mieux les aliments que celles qui en portaient.

Les volontaires des deux groupes devaient manger un steak de 120g en moins de 20 minutes, pouvaient saler la viande, ainsi que boire à leur guise. Des échantillons de sang ont été prélevés avant (-60, -40, -20, et 0 min) et après le repas toutes les 20 minutes durant 300 minutes, puis un à 340min et à 420min. Dans toute l’expérience on mesurera toujours la quantité d’acides aminés plasmatiques car les protéines sont désagrégés lors de la digestion pour fournir des acides aminés à l’organisme. Les mesures des quantités d’acides aminés absorbées permettent donc d’en déduire de façon indirecte celles des protéines.

[EAA] : Somme des concentrations sanguines en thréonine, valine, méthionine, isoleucine, phenylalanine, histidine et lysine. Le tryptophan n’a pas été précisément mesuré, il n’est donc pas considéré.
[Leu] est la concentration en leucine sanguine.
Tot Leu Ra est le rythme d’apparition de la leucine.

Ce tableau regroupe les valeurs de la dernière mesure 400 minutes après le repas, on remarque qu’il n’y a aucune différence significative entre les deux groupes. Cependant si on analyse ce qu’il s’est passé entre le repas et cette dernière mesure, on remarque que les concentrations ont évolué différemment :

Sur le graphe ci-dessous on voit clairement que le pic d’AAE du groupe SPD (1750µmol/L) est plus élevé que celui du groupe APD (1600µmol/L). En particulier, on retrouve le même pic pour la concentration plasmatique en leucine, et pour sa vitesse d’apparition dans le plasma :

Les chercheurs s’attendaient à ce que l’absorption par l’organisme des acides aminés se fasse plus rapidement par le groupe SPD, mais que la quantité totale absorbée soit la même dans les deux groupes. Or ici, non seulement la vitesse d’absorption par le groupe SPD est bien supérieure, mais en plus la quantité absorbée l’est aussi. Donc une bonne mastication augmente l’efficacité de l’absorption des acides aminés.

Les chercheurs ont aussi comparé la vitesse d’absorption de ces protéines de viande avec celles de whey (protéines rapides) et de caséine (protéines lentes), ils en ont déduit que les protéines de viande sont de type rapide dont la rapidité dépend, comme nous l’avons vu, de l’efficacité de la mastication.

De plus, des études similaires ont été menées sur des sujets plus jeunes (18 à 25 ans) et des résultats similaires ont été obtenus : l’assimilation des protéines dépend de la qualité de la mastication.

Les chercheurs pensent aussi que la détérioration des muscles, la sarcopénie, chez les personnes âgées est en partie due à la détérioration des dents qui empêche l’organisme d’assimiler toutes les protéines dont il a besoin.

Source : Am J Clin Nutr. 2007 May;85(5):1286-92