Les enjeux de la vitamine D

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Le Docteur Jean-Paul Curtay est nutrithérapeute, il s’est notamment intéressé aux relations liant les aliments, nutriments et la santé à l’Université de Californie à Los Angeles. En 1989 il créa la première consultation de nutrithérapie en France, il est aussi l’auteur de plusieurs ouvrages nationaux et internationaux sur ce sujet. Il donne maintenant des cours à l’Institut Supérieur d’Agriculture de Beauvais. Dans le cadre de cette interview, il nous révèle les enjeux de la vitamine D et surtout l’importance de la supplémentation en vitamine D.

 

Dr Jean-Paul Curtay bonjour, merci d’avoir accepté cette interview sur la vitamine D. Vous êtes nutrithérapeute, auteur de nombreux ouvrages à succès sur la nutrithérapie, sur le régime Okinawa et d’autres sujets en lien avec la nutrithérapie et vous êtes membre de la clinique des sciences de New York. Ce sujet qui est de plus en plus d’actualité, puisque l’on s’aperçoit que lorsque l’on réalise des dosages de vitamine D quasiment 80% de la population est en carence. Alors avant de voir ces effets de carences, est-ce que vous pouvez nous rappeler les fondamentaux de cette vitamine D ? Le lien entre Calcium et vitamine D, et vitamine D et soleil ?

La vitamine D on la connait sous cet aspect là, on la donne à nos petits enfants contre le rachitisme puisqu’elle est nécessaire pour absorber le calcium, et pour fixer le calcium sur l’os. Donc c’est la vitamine D anti-rachitisme qui a été découverte il y a plus de 100 ans. On a l’habitude que le pédiatre la prescrive en complément aux petits enfants de 3 ans, c’est en effet très important pour la croissance de l’os, et lorsqu’elle se poursuit chez l’adolescent qui va prendre 15 cm parfois en un an et à qui on ne pense pas à donner de la vitamine D. Et l’os est aussi important pour les femmes à partir de la ménopause et chez les personnes âgées, des populations qui n’ont pas été bien complémentées en vitamine D. On va expliquer pourquoi : parce que en effet il y a un lien entre la vitamine et le soleil, l’été quand il y a du soleil et que l’on s’expose au soleil on synthétise de la vitamine D dans la peau, mais on s’est aperçu que cela ne suffisait pas, et deuxièmement il y a des tas de questions qui se posent avec ça par exemple lorsque l’on devient âgé la peau devient plus fine et fait de moins en moins de vitamine D au soleil et on découvre ces dernières années, avec étonnement, alors que l’on pensait que la supplémentation en vitamine D était bien faite en France, que la majorité de la population est déficiente à des taux sanguins très insuffisants et que ce problème est pas du tout résolu.

Pour la population adulte ou enfant ?

Les deux, et même particulièrement les adolescents : ils grandissent tellement vite qu’ils doivent fixer trois fois plus de calcium qu’une personne en dehors de cette phase de croissance. Et là déjà les études montrent qu’il manque de calcium dans les apports, encore plus chez les filles (elles ont peur de grossir etc…) et par ailleurs la supplémentation en vitamine D n’est pas faite chez l’adolescent.

 Est-ce qu’il y a des signes physiques, psychiques de cette carence ?

Non, malheureusement pas, il n’y a pas de signe à moins de faire une très très grande carence, ce qui dans notre pays est très rare : quand on fait du rachitisme, ou chez la personne âgée : chez la personne âgée on fait ce que l’on appelle l’ostéomalacie c’est l’équivalent du rachitisme chez l’enfant, c’est à dire que l’os se déminéralise et cela s’ajoute à l’ostéoporose et favorise les fractures. La personne âgée, oui, c’est la personne qui souffre le plus d’une manière évidente. Mais la réalité c’est que la vitamine D a bien d’autres rôles que l’absorption du calcium, et là j’avais jamais pensé à la relation avant : c’est par exemple les infections l’hiver. Quand on fait une infection il y a pleins de facteurs mais la vitamine D joue un rôle très important dans l’immunité puisqu’elle est nécessaire dans la différenciation des globules blancs, qui ne peuvent pas être matures et actifs sans la vitamine D, et le fait de faire des infections, et en particulier l’hiver il y a moins de soleil alors la vitamine D descend dans l’état « facteur important » de grippe, de rhume, d’angine, d’otite. Voila quelque chose de nouveau qui est très important c’est que les enfants, les adolescents, les personnes âgées (qui ont une mortalité 100 fois supérieures par maladies infectieuses que les plus jeunes) ne sont pas supplémentés en vitamine D et donc font des infections qui peuvent même être mortelles.

 A partir de quel âge vous recommandez de faire un dosage ?

Alors, il y a une politique officielle de supplémentation systématique des petits enfants, alors aujourd’hui les médecins reçoivent des communications, il y a beaucoup d’articles qui sortent, qui expliquent que non seulement ce ne sont pas forcément les petits enfants, mais les enfants plus grands, les adolescents, les personnes âgées et les adultes qui ont aussi besoin de vitamine D et c’est surtout saisonnier. Pourquoi ? Parce que l’été il y a plus de soleil, à partir du printemps ce n’est pas la bonne saison, on a plus de soleil donc il faudra penser pour la majeure partie de la population à la supplémentation en vitamine D à la mauvaise saison, septembre-octobre, car il y a moins de soleil et on risque plus de faire des infections. Donc c’est plus saisonnier sauf pour une population : les personnes âgées, puisque avec l’âge la peau s’affine et elles sont de moins en moins capable de faire de la vitamine D, plus on est âgé plus on aura besoin longtemps (pas seulement la période d’hiver, et après 80 ans toute l’année) de prendre de la vitamine D pour éviter des problèmes y compris l’été.

 Chez les enfants quel est le schéma recommandé de prise de vitamine D ?

C’est 800 UI par jour sur toute l’année ou ça peut être, en fonction de la pigmentation de la peau, c’est assez codifié : les enfants qui ont la peau foncée et noire font moins de vitamine D au soleil, donc ça peut être jusqu’à 1000-1200 UI.

 De quel âge à quel âge ?

Aujourd’hui on tend à penser qu’il n’y a pas d’âge, c’est l’ensemble de la population, puisque c’est ça la révolution de la vitamine D ces dernières années pour le monde médical, qui était resté à l’idée des enfants et un peu des personnes âgées, de se dire que c’est l’ensemble de la population. Les enfants plus grands, encore plus les ados, les femmes enceintes qui ont besoin de plus de calcium aussi pour faire le bébé qui ont besoin de vitamine D. Donc ça touche l’ensemble de la population.

 C’est vraiment très lourd puisque les médecins généralistes ne recommandaient pas une supplémentation en vitamine D jusqu’à maintenant pour les adultes.

Voila, maintenant ils sont au courant normalement parce qu’il y a beaucoup de publications sur ce sujet.

 En terme de comportement alimentaire, est-ce que vous recommandez tel type d’aliments pour les personnes en carence ?

Alors c’est justement le problème de la vitamine D car c’est la vitamine la plus rare pratiquement de toutes, il y a une autre exception c’est la vitamine E, ces deux vitamines liposolubles sont les plus rares de toutes les vitamines dans l’alimentation. Donc il y en a un peu dans le foie de morue, d’ailleurs le foie de morue c’était génial puisque si vous voulez c’est un pédiatre français, Trousseau, qui a introduit ça en France d’ailleurs il a mis 30 ans à se battre pour poser l’huile de foie de morue puisqu’il y avait non seulement de la vitamine D dedans, de l’iode, des acides gras oméga 3, on en parlait beaucoup on ne savait pas qu’il y en avait dedans mais il y en avait, et tout cela c’est très important pour la croissance, c’était génial c’était le premier complément un peu généraliste que l’on donnait. Maintenant aujourd’hui cela ne se fait plus, de toute façon il n’y a pas assez de vitamine D dans l’huile de foie de morue pour couvrir les besoins.  Aujourd’hui on a besoin de doses plus importantes, calibrées, et on donne de la vitamine D pure. Pourquoi ? Parce que dans l’alimentation il y en a très peu, alors il n’y a pas que le foie de morue, il y a le poisson surtout parce que les plantes terrestres ne font pas de vitamine D et c’est le phytoplancton dans la mer qui en fait, donc le phytoplancton étant mangé par les poissons on en trouve un peu dans le poisson et les fruits de mer. On en trouve aussi un peu dans certains produits laitiers et produits gras, mais peu, il y a certains produits laitiers qui sont complémentés en vitamine D. Mais on ne peut pas compter sur l’alimentation pour la vitamine D.

Dans le sud de la France il y a moins de carence ?

Il y a moins de carence quand même, mais l’hiver il y a beaucoup de gens dans le sud qui ne se mettent pas au soleil, et puis aujourd’hui, il faut bien le dire, on déconseille de se mettre trop au soleil, donc si l’été vous n’êtes pas trop âgé et que votre peau est encore capable de faire de la vitamine D, vous vous mettez 10 minutes torse nu au soleil : c’est pas trop, et ça suffit (Pas à l’heure du midi, c’est trop violent). Sans toutefois négliger une bonne alimentation on ne devrait pas faire de déficit dans ces conditions, l’été. Mais à partir d’un certain âge ça ne marche plus, et à partir de la mauvaise saison, même dans le sud, cela ne suffit pas.

Est-ce qu’il y a des dangers lorsque l’on consomme de la vitamine D ?

Oui, la vitamine D je dirais c’est la vitamine la plus dangereuse de toutes. Exemple anecdotique : pendant la deuxième guerre mondiale il y a des secrétaires, des employés de labos qui faisaient de la vitamine D qui se sont dit « Avec les carences etc, nous on a de la chance on a des ampoules de vitamine D » elles en ont pris mais en surdose et se sont calcifiées les reins, le cerveau etc… Si on prend trop de vitamine D on peut calcifier les tissus mou, faire des calculs rénaux, calcifier les artères… ce qui est un danger d’autant plus grand que l’on est âgé. Et là je pense que l’on a fait des bêtises car beaucoup de personnes âgées ont reçu des mélanges calcium/vitamine D qui ont favorisé le renforcement de leurs os, mais aussi des calcifications indésirables : des artères, des articulations, dans le cerveau… Plus vous êtes âgés, quand on vous fait une radio on voit des traces blanches, parce que lorsque l’on prend de l’âge on calcifie les tissus. Il faut penser à une chose très importante, d’abord la vitamine D ne peut pas être prise seule il faut qu’elle soit monitorée par un médecin, deuxième chose il ne faut pas oublier de corriger son magnésium car c’est lui qui empêche que le calcium se dépose dans les tissus mou au lieu d’aller dans l’os. Donc il ne faut jamais prendre de vitamine D et de calcium sans corriger son magnésium et cela concerne l’ensemble de la population : la carence la plus fréquente de tous les minéraux et toutes les vitamines est le magnésium.

Donc vous recommandez un dosage des principaux minéraux et de la vitamine D avant toute supplémentation ?

Alors la vitamine D doit être dosée, le magnésium ce n’est pas la peine car le taux de magnésium dans le sang n’est pas représentatif du taux de magnésium que vous avez dans le muscle ou dans le cerveau : c’est statistique, on sait que les gens manquent de magnésium. Pour ça il faudrait donner des conseils alimentaires, consommer de l’eau minéralisée, des légumes verts, les oléagineux, plus les compléments pour corriger. Pour la vitamine D il faut absolument faire le dosage parce que vous avez des gens qui ont un taux pratiquement normal, il suffit de leur donner la dose d’entretien l’hiver : 1000 UI tous les jours, ou 7000 UI toutes les semaines, éventuellement chez certaines personne c’est un peu plus violent : une grande ampoule de 100 000 UI pour 3 mois. Mais, si la personne a une carence, elle a un taux de 10 à 20 nmol/ml c’est beaucoup trop bas : si vous faites que cela vous ne corrigez pas la carence, il faut que le médecin sache s’il y a ou pas une carence profonde, un déficit important ou pas, et ça va changer complètement sont attitude et il va falloir qu’il donne au départ une ampoule fortement dosée pour corriger le tout avant de passer au traitement d’entretien. Mais il faut absolument faire un dosage de vitamine D la première fois pour savoir où la personne en est.

On a vu que vous recommandez un dosage pour les enfants, les personnes âgées, les femmes enceintes, est-ce que vous avez des recommandations pour les adultes jeunes ?

Disons que c’est clair que c’est le moins important, si on doit faire des priorités c’est les personnes âgées et les femmes enceintes qui sont les priorités car ça a des conséquences plus importantes. De bonne guerre on devrait l’inclure dans un bilan au moins une fois.

Donc dans toutes les maisons de retraite vous considérez qu’il devrait y avoir un dosage de la vitamine D ?

Absolument, d’ailleurs je pense que c’est de plus en plus fait, pas chez tout le monde mais les médecins font de plus en plus usage de la vitamine D, et pour eux c’est important car ils peuvent constater sur le papier l’incroyable fréquence et la profondeur de ces carences.

Est-ce que la vitamine D est remboursée par la sécurité sociale ?

Oui, la vitamine D est remboursée par la sécurité sociale.

Merci Dr Curtay pour cette interview.

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Comments

    • says

      Il est vrai qu’il est beaucoup plus agréable de s’exposer quelques minutes au soleil plutôt que de faire la queue à la pharmacie, cependant cette pratique est difficile en hiver. Comme le Dr Curtay le mentionne dans l’interview, l’ensoleillement est trop faible durant cette période (en France) pour pouvoir maintenir un taux de vitamine D correct, et c’est à durant l’hiver que la supplémentation en vitamine D est la plus utile.
      Dans tous les cas je recommande d’effectuer, avant toute chose, une prise de sang pour faire le point puis, si nécessaire, de commencer une supplémentation. Il faudra ensuite contrôler régulièrement son taux de 25(OH)D pour ajuster la posologie.

      De plus la pharmacie n’est pas le lieu de passage obligé pour se procurer de la vitamine D, on en trouve aussi, par exemple, sur internet à des prix très abordables.

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